Les chiffres, clés de la croissance des PME
Faire grandir une entreprise au-delà de 10 salariés ou 1 M€ de chiffre d'affaires est un défi pour le dirigeant. Les obstacles qu'il rencontre dépassent les effets de seuils administratifs. Le contact continu avec la réalité quotidienne, les clients et les salariés de l'entreprise lui a permis jusque-là de maîtriser son activité. Or ce contact n'est pas possible dans une structure plus grande. Une seule personne ne peut pas répondre aux attentes des clients, coordonner l'action des salariés et adapter l'entreprise à un marché en transformation continue. Comment maîtriser ces trois impératifs lorsqu'on s'éloigne de leur exécution ?
La croissance des entreprises repose sur des systèmes humains et informatiques de coordination, de mesure et d'analyse. Le quotidien du dirigeant passe progressivement du concret (faire) à l'abstrait (dire), au risque de perdre le contact avec la réalité. Cette étape périlleuse amène de nombreuses entreprises à enchaîner des cycles de croissance et de décroissance.
Maîtriser les chiffres
Le premier système de mesure d'une PME est la comptabilité. Il est naturel d'y chercher une solution aux défis de la croissance. Il va de soi que deux consultations annuelles du résultat ne suffisent pas. Le dirigeant va donc chercher à suivre de plus près ses flux financiers. S'il ne doit en regarder qu'un, c'est la trésorerie. Puis il s'intéresse à ses créances clients, à l'envoi et au recouvrement de ses factures. La maîtrise des flux financiers est indispensable, mais elle ne dit rien de la performance opérationnelle au cœur de la création de valeur.
La tentation est grande d'avoir recours aux ratios, comparaisons et autres indicateurs abstraits. J'entends ainsi des dirigeants évoquer leur taux de marge et celui de leurs concurrents et en tirer des objectifs de réduction de coûts. Cette approche parle des autres plus que d'eux-mêmes, sans connaître les différences précises de leur modèle économique. Se créer des points de repères est utile et la comptabilité sait répondre à ce besoin. La première étape de ce travail est de se connaître soi-même. Une plongée dans les journaux comptables révèle le détail des factures entrantes et sortantes qui reflètent le quotidien de l'entreprise. A quel point ce reflet est-il flou et déformé (il l'est toujours) ? Le dirigeant et son expert-comptable peuvent construire sur ce constat une vision plus proche de la réalité.
Une saisie exemplaire des pièces comptables laisse les yeux du dirigeant braqués sur le passé car il ne lit que les conséquences de son activité. La maîtrise implique un regard tourné devant soi. La mesure qui importe dans le pilotage d'une entreprise porte sur les actes. Pour chaque éléments clé du modèle économique, il existe un fait générateur connu bien avant le flux financier qu'il provoque. Ce sont donc les données extra-comptables qui détiennent la clé de la croissance.
Maîtriser les faits
Lorsque le dirigeant ne peut plus s'impliquer dans tous les aspects de son entreprise, sa maîtrise passe par des points de repères simples et mesurables. En priorité, il s'attachera à donner des instructions claires qui orientent l'action dans le bon sens. Par exemple, fixer à un commercial un objectif de chiffre d'affaires risque de provoquer l'érosion de la marge ou l'acceptation de commandes intenables. Chacun a besoin de comprendre son rôle dans le contexte de l'entreprise.
Pour chaque activité de l'entreprise le dirigeant discerne et exprime les paramètres clés, le niveau qu'ils doivent atteindre et leur impact économique. Il cherche ensuite un moyen de les mesurer sans nuire aux opérations à travers un ERP. Ces chiffres indiquent à l'opérateur ce qu'il doit faire et au dirigeant ce qui se passe dans l'entreprise. Ce n'est alors pas la comptabilité qui reflète la réalité après coup, c'est la réalité qui donne l'image de la comptabilité avec un temps d'avance.
Attention : un ERP peut contraindre l'activité pour la mettre au service de la mesure, il est important d'être précis sur l'objet et la méthode de collecte des données avant de choisir et de déployer l'outil.
Adopter un système de pilotage pour passer un cap de croissance est un défi. Le dirigeant remet en question son propre rôle dans l'entreprise, il accepte de lâcher prise et de déléguer plus. Selon ses choix, il place à cette étape des ponts ou des portes entre lui et la réalité. Le rôle d'un contrôleur de gestion est de l'aider à mettre les chiffres au service des actes et de sa réussite.
Thomas Delpech